L'infertilité, ce n'est pas dans la tête

L'infertilité, ce n'est pas dans la tête

L’humain n’aime pas ce qui reste inexpliqué, surtout en matière médicale. Ainsi, tout mystère amène inéluctablement son lot de théories magiques pour reprendre la (pseudo)maîtrise sur notre ignorance. Parmi la multitude de problèmes à résoudre, l’infertilité est loin d’être un détail.

 

 

Autrefois, on conseillait aux femmes réputées coupables de stérilité (toujours elles, les pauvres) de masser le sexe d’un gisant : jusque-là, elles s’en tiraient à bon compte. Aujourd’hui, on leur dit: "C’est dans la tête, tu y penses trop."Et on les amène en psychothérapie. Le mythe de la stérilité d’origine psychologique s’est répandu dans les sixties et les seventies.

 

Étonnamment, malgré l’augmentation des découvertes physiopathologiques relatives à la fertilité, l’indécrottable misogynie ambiante continue plus que jamais d’attribuer la responsabilité à la femme ambivalente, nerveuse, looser et affublée d’autres tares encore. Comme si la tristesse et l’inquiétude de ne pouvoir concevoir ne lui suffisaient pas, on lui met sur le dos la cause et la culpabilité du malheur. Surtout lorsque la raison médicale n’affleure pas suffisamment, on parle sans vergogne de "blocage" venu par Dieu sait quelle poussière d’étoile.

 

À la base, il y eut ce constat d’irrégularités menstruelles et de cycles anovulatoires chez certaines femmes touchées par un deuil ou anorexiques. Peu de choses. Et surtout pas de quoi déclarer la femme bloquée ou inconsciemment en refus d’enfant. Les études scientifiques se sont accumulées depuis des années pour affirmer que les théories "psychogènes" de l’infertilité sont abusives. Et pour rappeler que même si la femme - voire éventuellement l’homme - en situation de stress exceptionnel développe un état hormonal défavorable à la conception, ce n’est nullement assimilable à une hésitation à devenir parent.

 

Bien sûr, des souffrances psychologiques émergent à l’occasion d’une longue durée d’infertilité. Bien sûr, l’apparition d’une grossesse peut ressembler à une solution de la crispation psychologique ("lorsque je n’y pensais plus"), et parfois même le lien explicatif est créé par les couples concernés… Mais, en aucun cas, on ne peut en déduire une "théorie psychologique" valable a priori pour tous. Les personnes infertiles ont besoin de solidarité et de compréhension. Pas d’une explication "psychotouristique", d’une interprétation clé sur porte à deux sous, destructive, prenant pour la cause ce qui est en réalité l’effet de l’infertilité: le désarroi.

 

Luc Roegiers

 

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